On doit à la Cie rouennaise Les Barjes un joli projet intergénérationnel baptisé « Des histoires entre nous » : des seniors, des écoliers et des enfants en situation de handicap en bénéficient. Gros plan sur cette expérience menée sur les Hauts-de-Rouen.

2025 marque les 10 ans de la rouennaise compagnie Les Barjes. 10 ans à envoyer du sourire, 10 ans à défendre un théâtre burlesque, clownesque, de l’art de la rue à la salle, du chapiteau au cabaret, des arènes aux pelouses. 10 ans à « militer pour un état d’urgence du rire », comme elle le proclame.

Drôle d’aventure que celle mise en œuvre par Les Barjes - avec le plus grand sérieux - depuis la rentrée scolaire 2024 et jusqu’aux vacances de Pâques : le projet intergénérationnel « Des histoires entre nous » tisse du lien entre des retraités, des élèves de primaire et des pensionnaires d’un Institut Médico-Éducatif.

À l’origine de cette riche idée, il y a l’appel à projets « Culture santé et médico-social » lancé par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) et l’ARS (Agence régionale de santé Normandie). L’Ehpad Les Sapins et la Cie Les Barjes décident de s’associer pour créer un projet ambitieux et participatif rassemblant des publics isolés et éloignés du milieu culturel.

La résidence Les Sapins sollicite Les Barjes car la Cie a déjà travaillé dans différents Ehpad, à savoir deux ans à Évreux et un an à Mont-Saint-Aignan/Petit-Quevilly. En outre, avant d’être comédien, son directeur artistique et co-fondateur Jérémy Chopin a enseigné à l’école François Villon dans le quartier Lombardie. Il connaît bien le territoire des Hauts-de-Rouen, qu’il affectionne.

En plus d’un groupe de résidents de l’Ehpad Les Sapins, la démarche concerne des enfants de 12 à 15 ans scolarisés à l’IME L’Envol Saint-Jean (à Bois-Guillaume), où la Cie a orchestré des ateliers clown en 2023. Ainsi que des élèves de CM des écoles Maupassant et des Sapins. Trois classes, précisément, à tour de rôle.

Le projet se déroule en trois temps.

• Acte 1 : une représentation théâtrale, qui a réuni les trois publics le 24 septembre à la salle Louis-Jouvet. Il s’agit de « L’imaginaire de Monsieur Pierre », par la Cie Les Barjes, bien sûr. Sur le plateau, une chaise, une valise, un gramophone et quelques balles… Il n’en fallait pas plus à Jérémy Chopin pour entraîner son petit monde au pays de la poésie et du fantastique, en jonglant avec les histoires. Un vécu commun pour les trois catégories de spectateurs.
• Acte 2 : une série de séances de mise en scène. Au rythme d’un atelier théâtre par semaine au sein de chacun des trois établissements impliqués, Jérémy Chopin aide les participants à s’approprier des histoires. Ils découvrent comment faire rêver, ils s’entraînent, répètent, pour trouver la meilleure manière de raconter. Ils peuvent s’accompagner d’images, de musique, de danse.
• Acte 3 : une rencontre des trois groupes, juste avant chaque période de vacances (Toussaint, Noël, hiver), pour partager la parole entre tous. Chacun peut écouter des histoires et se glisser dans la peau d’un conteur à son tour. Ça se passe à l’amphithéâtre de la bibliothèque Simone-de-Beauvoir.

Jérémy Chopin se réjouit de l’évolution des acteurs du projet, les jeunes comme les aînés, qu’il voit prendre confiance en eux et se libérer petit à petit, « On a beaucoup travaillé à partir des contes classiques du type Le Petit Chaperon rouge ou Hansel et Gretel. J’ai écrit des textes, j’ai adapté. Les seniors font surtout de la mise en voix, ils préfèrent dire les histoires en les lisant plutôt que les apprendre par cœur. Quant aux enfants de l’IME, comme la plupart ne peuvent pas parler, ils miment l’histoire que l’on raconte. »

« Des histoires entre nous », initiative soutenue par la Ville à travers une subvention, ne manque pas de vertus. « Le projet permet de développer une culture littéraire chez chaque participant, souligne Jérémy Chopin. Surtout, il favorise le vivre-ensemble, la découverte de l’autre et de sa différence. C’est une porte vers l’ouverture, la compréhension et l’acceptation de ce que nous ne connaissons pas. »

Pour aller plus loin

Des histoires entre nous

Crédit photo : © Gauthier Thypa